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Restauration d’un Vasari à Santa Croce avec Tessa Castellano

Santa Croce Italie

Je suis passée à Santa Croce fin mai voir mon amie Tessa Castellano. Cette brillante restauratrice d’art est déjà passée par le blog à l’occasion de la restauration du mariage de la vierge de Rosso Fiorentino dans l’église de San Lorenzo.

Cette fois-ci, nous voilà dans la basilique de Santa Croce, pour un autre type d’exercice car la restauration du tableau de Vasari « Cristo che per la via del Calvario incontra la Veronica » se fait aux yeux de tous. Devant la tombe de Michelangelo, le tableau immense a été décroché (il aura fallu 10 personnes et 9h de travail pour descendre l’œuvre et l’installer). Juste à côté de la toile et de l’échafaudage repose le cadre doré, gigantesque, donnant avec justesse une idée de la réelle dimension de la peinture.

Ce tableau de Vasari est un hommage à Michelangelo, et une des plus belles toiles réalisées par l’artiste.

Peintre, architecte et grand intellectuel, on lui doit beaucoup des retables de la basilique, mais celui-ci a la particularité d’être peint intégralement de sa main, d’autres étant souvent finalisés par ses élèves. Il est spectaculaire par sa composition, sa technique et ses clins d’œil.

Le travail de restauration est très long, incroyablement méticuleux. Avant de redonner de l’éclat aux teintes (ce qui est la partie la plus « visible », le résultat que le public apprécie), il y a des mois de nettoyage du tableau. Le temps abime la toile et des circonstances naturelles comme la grande crue de 1966 l’ont beaucoup endommagée. La structure étant en bois, l’eau remonte dans le tableau par capillarité, puis sèche et fait éclater les couleurs. Toutes les traces sur la partie inférieure du tableau sont dû à cela et c’est la première fois depuis 1966 que le tableau subit une restauration totale.

Les conventions actuelles imposent une réversibilité totale de la restauration

Puis il y a les précédentes restaurations, celles faites avant les grandes conventions de restauration de Rome imposant des règles strictes sur la méthodologie et les outils utilisés.  Il y moins de 100 ans, des peintres dit « peintre-restaurateur » retravaillaient les œuvres, y allant de leurs envies et interprétant les méthodes de l’artiste, sans respecter forcement l’histoire, la temporalité et les techniques. Beaucoup de ces retravailles ne sont pas réversibles et font perdre de la valeur aux œuvres.

Les grandes conventions actuelles imposent une réversibilité totale ! Chaque action de Tessa peut subir une marche arrière car elle est parfaitement reconnaissable et documentée. Les produits utilisés aujourd’hui comme par exemple les vernis protecteurs sont synthétiques (ils ne sont plus naturels). Ils vieillissent beaucoup mieux. Chaque millimètre du tableau est analysé et la solution adaptée. Cette connaissance « scientifique » du tableau permet une plus grande professionalité dans l’exécution de la restauration. Tessa me parle de sa grande attention sur le PH des solutions chimiques utilisées pour le nettoyage … Qui aurait dit que la restauration était plus proche de la chimie que du travail créatif !

Vasari est clé pour la discipline d’histoire de l’art, grâce à ses Vite : des biographies d’artistes de son temps

Pour en revenir à Vasari, c’est un personnage très important dans l’histoire de Florence et dans l’histoire de l’art en général. Peintre à la cour des Médicis, il a travaillé sur tous les grands chantiers de la ville : les Offices, le Duomo, Palazzo Vecchio … Son rôle est central dans l’histoire de l’art car il a écrit « Le Vite » des biographies sur les artistes de son temps relatant en détail les techniques. Ce sont des bibles sur lesquels s’appuient encore les étudiants en histoire de l’art pour comprendre les choix des artistes de cette époque. Michelangelo et Botticelli en tête. Vasari est loin d’être un artiste « la tête dans les nuages », il est entrepreneur dans l’âme, avant-gardiste et a laissé une production immense.

Tessa souligne qu’il semble avoir assimilé les connaissances accumulées suite à la rédaction des sections techniques de ses « Vite ». Les techniques exécutives qu’il utilise lui-même sont brillantes : le support en bois, l’équilibre des pigments relate d’une excellence technique qui se ressent avant même de détailler l’œuvre et sa signification.

Michelangelo et Rosso Fiorentino, cachés dans le tableau !

Concernant la représentation du tableau, il s’agit d’une iconographie orientale où le christ ne porte pas sa croix (symbole du poids de la vie), c’est Simon qui le fait à sa place. En pleine contreréforme de l’église, ce choix apparaît comme vraiment original. La façon dont sont dépeints les soldats romains, Saint-Pierre, les pleureuses, dénote d’un grand raffinement. Mais la vocation première du tableau pour Vasari est un hommage à Michelangelo, artiste génie de son époque. Vasari lui porte une telle admiration qu’il en fait même un portrait dans le tableau ! Vous pouvez l’admirer sous le cheval rouge au milieu à gauche. À savoir, ce portrait est un des plus fidèles qui existe car basé sur le masque mortuaire en cire réalisé le jour du décès de l’artiste. Un autre portrait d’artiste a intégré « secrètement » le tableau, c’est Rosso Fiorentino que Vasari admire beaucoup. Il n’est pas du tout apprécié par les Medicis et immigrera en France pour créer l’école de Fontainebleau. Le représenter dans le tableau est un moyen pour Vasari de le mettre « au même niveau » que Michelangelo. C’est pour dire l’admiration qu’il lui porte.

Le tableau doit être prêt en novembre. Tessa a un rythme de travail de fou et le quotidien est très physique, entre le froid des mois d’hiver dans l’église et le travail sur l’échafaudage. J’ai hâte de voir le tableau finalisé !

Baci,

Ali

Par Ali

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