Dolce Vita

Fugue à Venise, des mots sur des maux

Cette fugue à Venise était nécessaire. trois jours pour moi, pour gérer mon temps, me faire plaisir et me remplir.

Les derniers mois ont été tournés vers les autres et je me suis habituée à une sensation de vide intérieur. Elle m’est devenu insupportable. À Venise je suis venue combler tout ça, remplir mon être, et pas avec n’importe quoi.

Je suis venue chercher le Beau, avec une majuscule. Le grand canal qui me serre la gorge à chaque apparition au bout d’une ruelle, les palais anciens et leurs volets à la vénitienne rongés par l’eau, les intérieurs reflétant la Venise d’autrefois, une ville qui vit sur l’eau, un paradis perdu qui semble voué à une mort certaine. Un cadre somptueux et dramatique : la totale.

Et puis je suis venue me remplir d’Art. Des tableaux, des statues, des meubles, des galeries, des musées, art ancien, art asiatique, art contemporain. J’avais envie d’une orgie d’images et j’ai avalé pendant trois jours tout ce que mon cerveau pouvait ingurgiter. La tête m’en tournait presque ! Plus jeune j’ai fait des stages dans des musées, à Paris je me rappelle aller chaque semaine faire une expo, avoir mes peintres préférés à admirer, mes envies du moment, mes livres à regarder. J’ai perdu ça avec le temps et je me rend compte à quel point c’est important pour moi.

Une thérapie par le beau, l’Art et l’écriture

Une thérapie par le beau, une thérapie par l’Art, mais aussi par l’écriture, des mots à mettre sur des maux.

Quand j’ai pris place dans le train à l’aller, premier réflexe, première envie, ouvrir le fichier sur lequel je bloque depuis des mois et reprendre l’écriture. Ce texte raconte mon histoire d’amour avec l’Italie bien avant d’être tombée amoureuse d’un italien. Mais aussi la quête depuis mon divorce pour comprendre qui je suis, comment on se détache trop facilement de son essence, le courage constant qu’il faut pour se rapprocher d’un idéal personnel. La quête d’une vie.

Alors pendant trois jours, j’ai écrit. Des mots, des phrases, tout le temps. Pour coucher sur le papier ce qui me passait par la tête, pour tenter d’immortaliser la beauté que j’avais devant moi, pour me forcer plus tard à ne pas oublier qu’à ce moment M, j’étais seule avec moi-même, libre et en phase.

J’ai eu besoin aussi de brusquer mon physique, de lui faire « un peu mal » en quelque sorte (!). À Florence ces derniers mois, mes enfants ont beau dormir la nuit, moi je ne dors pas. Au moment du coucher, mon cerveau tourne à mille, mon corps très peu sollicité la journée n’a pas envie de repos. Et un corps sans activité n’est plus une entité mais un simple moyen. Il me sert à emmener mes enfants à l’école, à ouvrir la porte pour le plombier. Mon généraliste comme mon ostéopathe ont été clairs : l’activité physique est clé pour mieux dormir et pour la santé mentale.

Alors pendant trois jours, je me suis levée ultra tôt, j’ai marché des kilomètres jusqu’à ne plus sentir mes jambes, j’ai fait du kayak dans la Lagune et dans les canaux du Sestiere Castello, j’ai fait du yoga dans un petit studio de San Polo. Ma session de Yoga a été épique, impossible de contrôler mes larmes. Dans la pratique du Yoga, sentir sa respiration est central, et plus je respirais, plus je pleurais. Quelque chose se débloquait. Dans les moments difficiles, ou de déconnection avec moi-même, je vis tout de suite « en apnée » dans ma tête, contractée dans mon corps. Dès que l’air a de nouveau circulé, j’étais mieux.

Je fais quoi maintenant avec tout ça ?

Je crois que je ne dois pas lâcher le fil de l’écriture personnelle et m’accrocher avec mon texte. Qu’il soit publié ou pas, lu ou pas. Mon histoire italienne est assez folle, le décor exceptionnel, j’ai envie de transmettre tout ça et on verra bien la forme que cela prendra. Quoi qu’il arrive, c’est un formidable exercice pour moi-même, pour ne pas oublier, pour avancer.

Ce qui est sûr c’est que j’ai aussi besoin de me sentir utile, et mon quotidien actuel ne me suffit pas. Les réseaux sociaux, mon « image » via le blog, sont souvent bien vides de sens. J’ai besoin de plus. Partager, vous rencontrer, transmettre quelque chose.

Enfin, le plus important, j’ai du mal à vous dire à quel point vous m’avez touchée avec vos messages, vos emails, à quel point VOUS avez été utiles. C’est incroyable qu’un texte vous ait donné envie de vous livrer tel que vous l’avez fait, de partager vos états âmes, votre mal-être parfois. Je suis choquée de voir à quel point le malaise est là … mais pas forcément les solutions. Je vous ai senti bloquées, paralysées par la peur, la honte parfois, la culpabilité souvent. Loin de moi l’idée de dire que ces sentiments me sont inconnus, mais j’ai pris l’habitude ces dernières années de les regarder bien en face et de les attaquer aux visages. Ils nous font perdre un temps si précieux.

Si j’ai été un déclencheur de réflexion pour vous, sachez que j’en suis très fière et que cela compte énormément pour moi. Être déconnectée de ses envies, ou pire, de ses rêves est un sentiment terrible mais commencer à se poser les bonnes questions, classer les problèmes pour y réfléchir intelligemment est une première étape.

Devenez vous aussi, une fugueuse

Mais ce qui me plairait plus que tout, c’est que ma fugue en inspire d’autres, que vous passiez vraiment à l’action. Un samedi après-midi au cinéma, une virée à Paris, un musée que vous adorez, trois jours à New-York soyons fou. OSEZ. FAITES.

Votre mari fera peut être la gueule mais s’en remettra, vous vous ennuierez peut-être au bout de 2h mais au moins pas de regret, vous ferez une rencontre décisive, vous vous achèterez un pull qui vous fera vous sentir bien. Vous aurez agi, provoqué le destin, et ça ça s’appelle reprendre le contrôle de la situation. Parfois il faut de gros changements, des coups de théâtre, une gifle, mais la plupart du temps il suffit d’un petit ajustement pour se rebooster.

En tout cas sachez qu’il faut avoir confiance. Confiance en vous, vous êtes la seule personne capable de changements, moi j’ai attendu trop longtemps que les changements viennent des autres. Comme si mon mari pouvait lire entre les lignes et comprendre mon cerveau embué, espérer d’un ami un conseil qui révolutionne ma perspective sur les choses. Je peux toujours attendre car ça ne marche pas comme ça. Et puis ayons confiance un peu dans la vie : quand on tente, quand on fait un pas dans le vide, l’engrenage magique se met en route.

J’ai démarré l’écriture de cet article sur un bureau improvisé dans le Sestiere Cannaregio, je le finis dans le train qui me ramène chez moi, à Florence. J’ai cette sensation en moi précieuse d’une liberté retrouvée. Finalement je n’étais pas vraiment seule à fuguer, vous étiez là.

Baci,

Ali

Par Ali

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