Le journal de bord d'Ali di Firenze

La fugue de l’ombre

Je suis arrivée en fugue sans rien en attendre de précis si ce n’est la joie d’avoir un vrai break à moi après un an et demi sans pouvoir le faire. La dernière remontait à septembre 2020. J’avais rendu jalouse Venise en partant à Rome et j’avais marché, dessiné, contemplé, et surtout réfléchi presque sans m’en rendre compte à tout ce qui m’animait vraiment. J’étais enceinte un mois plus tard. C’était une fugue « active » où la ville jouait un rôle prépondérant. Mais voilà, 18 mois plus tard, l’envie était différente et ne venait pas du même endroit, les batteries étaient à zéro et je n’avais aucun moyen dans mon quotidien de recharger les piles, mon corps et mon esprit réclamaient du repos et du soin. 

Plusieurs fois j’ai tenté de caler une fugue au Lac d’Orta. La vision sur un lac m’apaise et j’avais trouvé un hôtel merveilleux organisant des retraites de yoga. Le combo de choc. Mais impossible de caler cela dans mon agenda, les retraites étaient toujours de 5 jours, c’était trop long pour laisser ma famille, j’avais abdiqué à chaque fois. 

Quand j’ai reçu un email de Valentina Dolci (que nous avons déjà interviewée ici en tant que coach santé italienne) me proposant une nouvelle date de ses retraites, j’ai répondu immédiatement et validé une place. J’étais dans la voiture qui me ramenait des vacances de l’enfer au ski, j’avais été malade comme toute la famille dans la chambre d’hôtel (#gastroparty) et accumulais un manque de sommeil depuis 6 mois qui allait mal tourner. J’avais rencontré Valentina a une des toutes premières retraites qu’elle avait organisé avec son binôme Louise Von Celsing, professeure de yoga suédoise vivant depuis 15 ans à Milan. Nous étions chez Ebbio, j’avais été invitée pour la journée à découvrir le lieu et les intervenantes. J’avais adoré. 

Voilà, la fugue était bookée et depuis fin février, je me suis raccrochée toute entière à cette parenthèse que je m’étais promise et que je sentais nécessaire. L’avant-fugue a toujours ce goût là, une promesse de se faire du bien, déjà calée dans l’agenda, un rendez-vous qui rassure. Je n’ai pas été déçue. 

L’avant-fugue a toujours ce goût là, une promesse de se faire du bien, déjà calée dans l’agenda, un rendez-vous qui rassure. 

Nous étions en Maremme, dans la partie sud de la Toscane, au milieu des bois, en haut d’une colline donnant sur la mer. Deux maisons l’une à côté de l’autre, une simplicité chic qui n’invitait qu’à une seule chose, le repos de l’âme en regardant les flots devant nous. Quand j’ai ouvert la porte de ma chambre et remarqué que depuis le lit je pouvais voir la mer, je savais déjà que j’y passerai beaucoup de temps. J’étais appelée par cette idée du vide, du rien, comme jamais et par l’envie profonde de m’écouter et de me laisser couler comme un être mou qui abandonne enfin la rigidité de son quotidien et de ce qu’elle s’impose. 

La cadence de la retraite était parfaite, du yoga matin et soir, un workshop en option avant le déjeuner en plus, 3 repas par jour végétarien / détox / délicieux. Et une masseuse présente toute la retraite et dont j’ai fait appel à deux reprises (dont un massage drainant de la méthode Renata Franca assez incroyable).

Et puis j’ai eu une chance folle, il a plu pendant 3 jours. 

Si cela nous a enlevé la joie de pratiquer dehors dans la nature, cela m’a obligée à ne pas faire des plans sur la comète entre les activités et à ralentir fortement. Obligatoirement.

  • Lecture et sieste le matin.
  • Lecture et sieste l’après-midi.
  • Contemplation.
  • Pause, ennui délicieux.

J’ai rarement autant écouté mon rythme. 

Je remontais dans ma chambre et me re-glissais sous les draps pour 2h avec un livre juste après le petit-déjeuner. Quand ai-je la chance de faire ça exactement à part durant nos rares vacances à 2 ? Je me suis roulée dans mon petit bonheur en terminant ENFIN (on dirait une blague, ça fait 1 an que je vous parle du même livre) « Quand la beauté nous sauve » de Charles Pépin et j’en ai lu un autre, « L’éloge de l’ombre » de Jun’ichirō Tanizaki. Ce dernier est un essai sur l’esthétique de son pays qui oppose l’art de la pénombre japonaise à la lumière omniprésente en Occident. Il a résonné fort avec le contexte de la retraite et avec ce que je vis intérieurement en ce moment. Il ne prêchait pas pour l’évidence, pour le vulgaire, pour le bruyant. Il ne parlait que de nuance, de contrastes, de subtilité et d’une forme de raffinement ultime à trouver dans la pénombre. 

Or cette fugue n’était que cela, des aller-retours entre lumière et ombre, le mariage de mes pensées et du paysage.

Or cette fugue n’était que cela, des aller-retours entre lumière et ombre, le mariage de mes pensées et du paysage.

En Maremme, le soleil a percé chaque jour mais la météo nous a donné à voir un ballet de nuages gris, la mer qui gronde au loin, les îles qui s’effacent comme par magie puis se devinent à nouveau. Quelque chose d’hypnotisant à observer, une forme de beauté moins évidente, plus discrète, parfois plus terrifiante mais tout aussi intense si je prenais le temps de m’en imprégner. Depuis mon lit je n’ai fait que cela, absorber cette beauté, me laisser guider par elle sans savoir où elle m’amènerait. J’ai “apprécié la qualité de l’obscurité » comme me l’expliquait le maître japonais.

Et puis personnellement et comme tout le monde, je vis des choses sympas et des moins drôles. Si j’ai toujours conscience de la grande chance que j’ai au quotidien (mes enfants en pleine santé, un mari incroyablement compréhensif et aimant, un cadre de vie qui correspond aux vacances de rêve de beaucoup), j’ai du coup tendance à ne pas accepter les émotions plus négatives qui peuvent m’envahir. Elles n’ont aucune place, pas de légitimité et je ne les process pas en les repoussant en bloc. Mais là, je sentais bien qu’un barrage menaçait de céder.

 

Être bout-en-train et promotrice de joie n’exclut pas une part d’ombre, une forme de gravité, qui comme la mer à ma fenêtre, fait briller autrement ses reflets en cas de tempête. 

 

Beaucoup de choses se sont accumulées les dernières années en parallèle de nos grands bonheurs. Problèmes de santé de très proches, perte d’un lieu clé pour mon équilibre, changement de paradigme familial. Bref ça remue, c’est la vie, c’est normal, et je dois me donner l’autorisation de manifester mes sentiments, y compris de la tristesse. Être bout-en-train et promotrice de joie n’exclut pas une part d’ombre, une forme de gravité, qui comme la mer à ma fenêtre, fait briller autrement ses reflets en cas de tempête. 

J’ai aussi pris conscience récemment que le travail que nous faisons avec les fugues me/nous demandent de traverser un nombre d’émotions incroyables (je vous invite à revoir ce direct avec la psychologue Mathilde Bouychou). Comme pour tout, il faut un équilibre et un espace pour « compenser » ce que nous vivons d’extraordinaire avec les femmes qui composent chaque bande et nous font confiance. Je ne prends jamais ce temps là, je fais le bulldozer, j’avance, j’avance, je m’épuise, je n’ai plus de jus. Or, je ne peux pas bien faire les choses et mener le ballet des fugues si je ne digère pas ce qui se passe et si je ne recharge pas les batteries pour créer l’espace d’accueillir les émotions suivantes. C’est là que les mots de Louise ont résonné : 

cette retraite de yoga et detox, mais de detox de quoi ? 

Elle peut être alimentaire, elle peut être émotionnelle, elle peut être pour alléger nos pensées … j’avais un besoin fou de m’alléger et de retrouver de l’espace à l’intérieur de moi.

J’avais un besoin fou de m’alléger et de retrouver de l’espace à l’intérieur de moi.

La retraite s’est terminée comme un signe du destin par un exercice. Une méditation guidée dite « Eye gazing » où installées en paire, face à face à moins d’un mètre, vous vous regardez dans les yeux avec votre partenaire. Accompagnées des paroles de Louise qui a guidé la session, nous devions nous observer, nous regarder en détails, puis droit dans les yeux, accepter de montrer nos faiblesse qui semblaient alors être impossibles à cacher. 

Si j’étais surprise de ne pas avoir encore pleuré durant la retraite, je n’ai jamais réussi à me retenir à ce moment-là. Alessia assise devant moi m’observait avec toute la bienveillance dont j’avais besoin pour me laisser aller, j’avais l’impression qu’elle comprenait aussi tout ce que j’avais essayé de retenir et la tristesse qui était là aussi, au delà des blagues, ma meilleure protection. Ce dernier moment m’a fait un bien fou, il m’a libérée. 

Merci infiniment à Valentina & Louise pour l’amour et le soin, 

Alice

À mes camarades de retraite 

(Poke à ma compère Anastasia et à tous nos produits Aime Skincare, Bubu Forever, les mammas en devenir, les soeurs, Ottavia, le mauvais jeu de mime, la position de yoga coincée, le caleçon marbré, Cristina impératrice du Sirsasana, les energy balls qu’on aurait bien planqué sous l’oreiller)

Le calendrier des retraites de Valentina et Louise ICI

Les programmes de cure de Detox de Valentina à Milan ICI

L’Instagram de Louise et celui de Valentina 

Le calendrier 2022 des Fugues italiennes ICI

Par Ali

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