Interview

INTERVIEW CROISEE, Tonia et Paviola, pharmacie Santa Maria Novella

Durant l’événement Artigianato e Palazzo au mois de mai, j’ai eu l’occasion de m’entretenir longuement avec le fabuleux personnel de la pharmacie Santa Maria Novella. On ne présente plus cette institution de la beauté dont les locaux sont situés dans la basilique même de Santa Maria Novella au cœur de Florence. L’une travaillant côté production, l’autre à la vente, cette discussion à trois voix m’a permis d’en apprendre plus sur les petits secrets des frères dominicains ayant créé l’Officina Profumo Farmaceutica. J’en ai profité pour glaner quelques informations pour mettre à jour côté produit et mieux assimiler ce qui fait la magie de la marque : une combinaison unique d’histoire, de patrimoine toscan et d’innovation. Merci Tonia et Paviola !

Bonjour Tonia. Tu travailles à la production des célèbres produits de la pharmacie. Peux-tu nous dire où se fait celle-ci ?

T : Jusque dans les années 2000, toute la production était encore effectuée à la pharmacie même, à Santa Maria Novella. Maintenant que les demandes ont explosé, il y a une nouvelle organisation avec un nouveau centre de production toujours à Florence. Plus de 100 personnes gèrent la production et la marque.

Comment est organisée la fabrication des produits ?

T : Par famille de produits. Les cires, les pots-pourris, les parfums, les savons, la cosmétique, l’herboristerie, les liqueurs, les préparations antiques … puis bien sûr tout ce qui concerne l’étiquetage. Il y a des responsables par typologie de produits puis des employés capables de passer d’une famille à une autre.

La pharmacie est ouverte depuis 1612 et certains produits existent depuis l’ouverture. Comment la production de ces références évoluent-elles ? Avez-vous conservé le savoir-faire antique ?

T : Si l’on prend l’exemple du pot-pourri, la formulation n’a pas bougé, c’est la technique qui s’est adaptée aux quantités.  Historiquement, les feuilles et les fleurs provenant exclusivement des collines toscanes étaient mises à macérer dans de grandes jarres en Terracotta (la terre-cuite produite à l’Impruneta) et mélangés à une préparation secrète à base d’huile. La mixture était mélangée de temps en temps et reposait pendant des mois et des mois dans les jarres. Maintenant que la demande a considérablement augmenté, impossible de tout faire à la main même si la matière première est restée la même ! La préparation se fait dans une machine citerne qui mélange toutes les 20 minutes pendant 3 minutes les feuilles et fleurs. Les sachets de 40, 70 ou 100 gr sont remplis automatiquement.

D’où viennent vos matières premières ?

T : La plupart du temps d’Italie. Mais nous allons chercher à l’étranger certaines fleurs ou essences.

Y-a t-il des produits qui sont basés sur des matières premières « florentines » ?

T : Oui bien sûr, notamment l’Iris et la rose de Florence, ainsi que les fleurs des collines toscanes. Nous avons d’immenses jardins où nous nous approvisionnons ici à Florence même juste à côté de la villa Petraia. Rose, olivier, citron, romarin, genet, … d’ailleurs ces jardins se visitent. (I giardini di Santa Maria Novella, Via della Petraia, 38, 50141 Firenze).

Vos formulations évoluent-elles ? Comment faites-vous vivre l’incroyable patrimoine laissé par les frères dominicains ?

T : Les frères dominicains étaient de véritables pharmaciens. Ils avaient une connaissance profonde des fleurs, des plantes médicinales et c’est pour cela que certains produits n’ont jamais changé et ont traversé les siècles. Je pense notamment au pot-pourri ou à la recette de l’authentique Acqua Antisterica (1614).

Racontez-nous l’histoire derrière « l’Acqua Antisterica » ! le nom est si drôle.

T : Cette petite fiole peut être simplement respirée ou quelques gouttes ajoutées à un verre d’eau. Au 17ème siècle elle était fort utile pour les jeunes filles dont les corsets étaient trop serrés et qui étaient au bord de l’évanouissement. Aujourd’hui elle s’appelle Elisir Santa Maria Novella et est très utile en cas de stress. Pour la petite anecdote, on retrouva une fiole dans la maison de Napoléon sur l’île d’Elbe ! Nos produits ont touché les grands de ce monde depuis plus de 4 siècles.

Et « L’Aceto dei sette ladri » (vinaigre des sept voleurs) ?

T : Il ne faut pas oublier que les premiers produits de la pharmacie Santa Maria Novella étaient totalement liés à un besoin médical. Ce produit à l’odeur très très forte servait d’anti peste durant la terrible épidémie de 1628-1631. Il avait été inventé par 7 frères dominicains qui détenaient la formule dans le plus grand des secrets (chacun connaissant un élément de la formule ignoré des 6 autres). Aujourd’hui c’est un produit pour purifier l’air et utilisé comme stimulant.

Ces produits « historiques » sont merveilleux. Comment gérez le virage de la modernité ?

P : Nous avons un département de Recherche et Développement qui travaille sur de nouvelles références. Il y a par exemple les nouveaux parfums dédiés respectivement aux 50 ans de jumelage avec la ville de Kyoto et aux sports en plein air de la Grande-Bretagne. Côté soin du visage, il y a une petite merveille, le peeling enzymatique ! Sa formule crème et ses micro-grains d’amidon le rende adapté à tous les types de peau, même les plus sensibles. Les peelings sont en général très agressifs car les billes extrêmement abrasives. Ici l’amidon naturel remplit sa promesse de douceur. Il y a également une crème qui travaille sur les taches brunes, à appliquer tous les matins. Et bien sûr il y a eu le lancement il y a quelques années de la ligne Aeta Salubris pour les peaux matures.

Il y a également de très belles céramiques. Où sont-elles produites ?

P : Nos céramiques peintes à la main proviennent du petit village de Montelupo en Toscane.

Les produits ont une esthétique superbe. Quels sont les codes de la pharmacie ?

P : Les équipes souhaitent absolument conserver les éléments graphiques ayant traversé les siècles et que l’on trouve sur les produits de nos archives. Les bouteilles et flacons sont si beaux qu’un musée est en préparation ! On y retracera l’évolution des produits et de le leurs bouteilles sur plus de 300 ans.

Toi qui travailles en boutique, peux-tu me donner les bestsellers ?

P : Le pot-pourri est encore un fois à citer mais j’ajouterais la crème visage, les savons Vellutina (extrêmement doux et hydratant) et Melograno, le tonique visage à l’eau de rose et la fameuse l’Acqua Antisterica dont nous parlions avant.

On cite souvent Catherine de Medicis comme cliente de la pharmacie. Certains produits ont-ils été créé pour répondre précisément à ses besoins ?

T : Tout à fait. Les frères dominicains avaient un relation très proche avec la famille Medicis. Pour les noces de Catherine de Medicis avec Henri de Valois en 1533, les frères créèrent l’Acqua di Santa Maria Novella, qu’elle porta en France. C’est le parfum le plus ancien de la pharmacie et on le trouve encore aujourd’hui. C’est un bouquet ultra frais et citronné prenant appui sur la bergamote de Calabre. Le packaging de cette commande spéciale donna le ton pour toute la ligne de parfum !

Merci Tonia et Paviola !

Pour commander un produit, il suffit de m’envoyer un email [email protected] 

Pharmacie Santa Maria Novella, via della Scala 16

Par Ali

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