Art de vivre italien
La diète italienne, chapitre 15 / Gerardo Gondi, producteur de vin
Dans notre série d’interviews consacrées à la diète italienne, s’il nous manquait encore la voix d’un expert, c’est sans aucun doute celle d’un producteur de vin. Le vin fait partie des produits les plus importants de la diète italienne, on le trouve sur toutes les tables et dans toutes les régions d’Italie. Quoi de mieux que d’interroger une famille productrice de vin depuis près de 500 ans et 25 générations ? Rencontre avec Gerardo Gondi de la Tenuta Bossi située dans le Chianti Rufina.
La famille Gondi, productrice de vin depuis près de 500 ans et 25 générations
Bonjour Gerardo, peux-tu te présenter, nous parler de ta famille et de vos activités ?
Ma famille est une des plus anciennes de Florence. Son histoire commence vraiment en 786 quand mes ancêtres deviennent chevaliers sous Charlemagne. On trouve d’ailleurs des traces de ma famille dans Le Paradis de Dante. Pendant la Renaissance, nous avons eu des rôles politiques et ecclésiastiques importants, étant tout d’abord commerçants puis banquiers. Parallèlement, dès l’an mille, ma famille a commencé à acquérir des propriétés agricoles et à les gérer. Notre lien à la terre remonte donc à très loin. Je ne vais pas m’étendre sur la longue histoire de ma famille car ma mère, la Marquise Vittoria Gondi, vous l’a déjà racontée dans une interview. Aujourd’hui, notre famille a plusieurs activités: la production de vin ici à la Tenuta Bossi, la production d’huile d’olive à Volmiano, nous sommes aussi propriétaires d’une résidence historique à Florence, le palazzo Gondi.
Concernant mon parcours, à 18 ans, je me souviens avoir dit à mon près que je ne travaillerais jamais dans notre entreprise agricole, je voulais devenir commercialista (consultant en affaires). J’ai fait des études dans ce sens, puis je me suis rendu compte que travailler dans un bureau tous les jours, c’était l’exact contraire de qui j’étais. J’ai travaillé en tant que commercial pendant quelques années, à Milan, dans un bureau avec le ciel gris. Puis je me suis marié et ai décidé de fonder une famille et clairement l’environnement à Florence était meilleur qu’à Milan. Et puis, mon idéal était de rencontrer des gens, voyager, vivre en plein air, bien manger et bien boire, le style de vie que notre Tenuta Bossi pouvait m’offrir. Alors en 2014, j’ai commencé à m’impliquer professionnellement dans l’affaire familiale. Mon père gérait la partie production et moi la partie commerciale. Depuis le covid, je gère un peu toutes les dimensions de la Tenuta.
La Tenuta Bossi est la propriété de ta famille depuis 1592. Les Gondi ont-ils décidé dès le départ de faire du vin ?
Oui, l’histoire de notre domaine agricole à la Tenuta Bossi a commencé à s’écrire dès son acquisition, en 1592. Nous sommes actuellement la 25e génération de Gondi à faire du vin dans ce domaine et la philosophie est toujours restée la même. Au fil des siècles, il y a bien entendu eu des évolutions, des transformations, que ce soit au niveau de la villa, du parc ou de la cantina. L’évolution notable a eu lieu au 19e siècle et nous la devons à mon arrière-grand-mère, Marie de le Bruyère, qui était Française de Château Neuf du Pape, une zone vinicole très importante. Veuve très jeune, avec des enfants en bas âge, elle a choisi de s’installer à la Tenuta Bossi car l’environnement lui rappelait son enfance en France. C’est une figure très intéressante car c’est une des premières femmes entrepreneures dans le secteur viticole. Elle a appliqué le style et la philosophie français à des vignobles italiens spécialisés. Elle voulait rivaliser avec les grands vins français, elle était à l’avant-garde et a fait venir 2 cavistes de Bourgogne. À cette époque, la production de la Tenuta Bossi est de style français : du cognac, du sauterne, un Chianti de style Bourgogne. Elle a remplacé la flasque du Chianti par la bouteille typique de Bordeaux. Son fils Carlo participe en 1899 à un concours prestigieux à Paris avec ces vins et remporte toute une série de prix.
Peux-tu nous parler du Chianti Rufina où se situe la Tenuta Bossi, une zone très spéciale de la Toscane ?
Le Chianti est un vaste territoire (la moitié de la Toscane environ, elle va de Florence à Pistoia, à Pise, Grosseto et Arezzo) divisé en 9 zones. La plus grande est celle du Chianti Classico, la plus petite et la plus spéciale, celle du Chianti Rufina, est au nord-est de Florence. On a identifié des plants de vignes datant des étrusques. Pour vous donner une idée, le Chianti Rufina, ce sont une vingtaine de domaines viticoles et 3 millions de bouteilles produites par an. À l’époque de Cosimo de Medici, ce dernier a sélectionné les 4 meilleures zones de Toscane à présenter à la cour européenne et le Chianti Rufina en faisait partie (avec le Chianti Classico, le Val d’Arno superiore et le Carmignano). La particularité du Chianti Rufina est due à sa position géographique, en moyenne à 350 mètres d’altitude, proche des montagnes (Apennins) mais aussi des fleuves Arno et Sieve, ce qui conduit à une grande ventilation et humidité et donc de nombreuses excursions (écarts) thermiques.
La particularité du Chianti Rufina est due à sa position géographique, en moyenne à 350 mètres d’altitude, proche des montagnes (Apennins) mais aussi des fleuves Arno et Sieve, ce qui conduit à une grande ventilation et humidité et donc de nombreux écarts thermiques
Quelle est la spécificité de ses vins ?
Les caractéristiques dont je viens de parler confèrent à nos vins des arômes primaires importants. Les sols sont un mélange d’argiles, de marnes et de sédiments calcaires. La vigne doit beaucoup lutter pour atteindre ses nutriments, les vins sont donc très structurés et d’une bonne fraîcheur. Deux caractéristiques qui leur permettent une grande longévité alliée à de grands parfums. On constate un tanin assez fort, une belle structure en bouche mais aussi une acidité remarquable, un bouquet très intéressant de fruits frais et de fleurs. On appelle le Chianti Rufina “la Bourgogne du Chianti” pour ses caractéristiques et l’élégance de ses vins. L’histoire de nos vins à la Tenuta Bossi est intrinsèquement liée à celle du Chianti Rufina.
On appelle le Chianti Rufina “la Bourgogne du Chianti” pour l’élégance de ses vins
Quelle est votre manière de travailler le raisin à la Tenuta Bossi ?
Nous sommes une famille de vignerons romantiques, d’artisans qualifiés, fortement liés à la tradition. Nous avons repris une phrase de Galileo Galilei “Il vino è un composto di amore e di luce”, le vin est un composé d’amour et de lumière. Nous travaillons le raisin aujourd’hui comme nous le travaillions hier : un maximum de soin à la vigne (presque maniaque !) pour obtenir et sélectionner les meilleurs raisins. Sur nos 20 hectares, nous produisons 9 vins, 1 blanc, 1 rosé, 3 Chianti Rufina (dont 2 réserve), 4 super toscans IGT et 1 vin santo (vin de dessert).
Qu’est-ce qui fait, selon toi, un bon vin ?
Selon moi, par-dessus tout, comme disait Salvador Dali, “I veri intenditori non bevono vino: degustano segreti”, les vrais connaisseurs ne boivent pas du vin, ils dégustent des secrets. Chaque vin raconte une histoire, celle du terroir, celle du producteur, celle de la vigne, celle des hommes qui en prennent soin, celle du bois de la barrique, … Chaque vin raconte une histoire différente. Je pense aussi que c’est une chose très subjective, cela dépend des goûts de chacun, du moment où on le déguste et de ce qui l’accompagne : il y a des vins parfaits pour l’aperitivo, d’autres meilleurs pour aller avec le repas, d’autres encore qui ne se consomment qu’avec le dessert. Il y a aussi le bon vin pour boire tous les jours à la maison et puis celui qu’on sort pour les occasions spéciales.
Nous sommes une famille de vignerons romantiques
“I veri intenditori non bevono vino: degustano segreti”
« Les vrais connaisseurs ne boivent pas du vin : ils dégustent des secrets »
Vous produisez des vins rouge, blanc et rosé, y en a-t-il une sorte meilleure pour la santé ?
C’est une question très complexe. Je dirai premièrement que le vin rouge est un peu moins travaillé que le blanc, il peut donc être plus facile à intégrer par le corps. Il contient également une quantité plus importante de polyphénols, ce qui est également un atout santé. Une donnée qui joue aussi beaucoup est le type de sulfites contenu dans le vin. Les sulfites sont les conservateurs du vin et sont présents naturellement dans le vin. Il y a donc les sulfites naturels et les sulfites chimiques, ajoutés. Selon ce que le producteur décide d’utiliser, le vin sera meilleur ou moins bon pour la santé. Certains producteurs font aujourd’hui des vins sans sulfites ajoutés, à la Tenuta Bossi, nous essayons au maximum de nous en tenir aux composantes naturelles de nos vins ou utilisons alors des produits de très haute qualité.
Votre production n’est pas bio, quelle en est la raison ?
Nous travaillons quasiment totalement comme si nous étions bio, mais nous ne sommes pas passé officiellement au bio pour notre production de vin car nous voulons pouvoir maîtriser nos vignes en cas de problème objectif. Nous traitons alors de manière super localisée avec les produits adéquats les plus efficaces, même si parfois nous devons utiliser des produits chimiques. Pour notre huile d’olive à Volmiano, nous sommes passés au bio, mais l’olive est beaucoup plus facile à gérer en bio, car c’est une plante plus forte et résistante que la vigne et a moins de maladies.
Vous produisez des vins rouge, blanc et rosé, y en a-t-il une sorte meilleure pour la santé ?
C’est une question très complexe. Je dirai premièrement que le vin rouge est un peu moins travaillé que le blanc, il peut donc être plus facile à intégrer par le corps. Il contient également une quantité plus importante de polyphénols, ce qui est également un atout santé. Une donnée qui joue aussi beaucoup est le type de sulfites contenu dans le vin. Les sulfites sont les conservateurs du vin et sont présents naturellement dans le vin. Il y a donc les sulfites naturels et les sulfites chimiques, ajoutés. Selon ce que le producteur décide d’utiliser, le vin sera meilleur ou moins bon pour la santé. Certains producteurs font aujourd’hui des vins sans sulfites ajoutés, à la Tenuta Bossi, nous essayons au maximum de nous en tenir aux composantes naturelles de nos vins ou utilisons alors des produits de très haute qualité.
Votre production n’est pas bio, quelle en est la raison ?
Nous travaillons quasiment totalement comme si nous étions bio, mais nous ne sommes pas passé officiellement au bio pour notre production de vin car nous voulons pouvoir maîtriser nos vignes en cas de problème objectif. Nous traitons alors de manière super localisée avec les produits adéquats les plus efficaces, même si parfois nous devons utiliser des produits chimiques. Pour notre huile d’olive à Volmiano, nous sommes passés au bio, mais l’olive est beaucoup facile à gérer en bio, car c’est une plante plus forte et résistante que la vigne et a moins de maladies. Elle peut se maintenir naturellement plus facilement que la vigne qui est fragile et a toutes sortes de maladies qu’il faut traiter.
Pour toi, c’est quoi la diète italienne?
Ma diète italienne est fondée sur la cucina toscana povera, la cuisine toscane pauvre. C’est une cuisine où il n’y a pas de déchets, pensez à deux de nos recettes les plus fameuses, la pappa al pomodoro et la ribollita, l’une faite avec le pain rassis et sauce tomate, l’autre fait des restes de légumes et le pain sec. C’est aussi une cuisine très variée, où on mange beaucoup d’aliments différents, la pasta, les légumes, les œufs, le poisson, la viande. Et la viande, on n’en mange pas 1 ou 2 sortes, on en mange des tas de différentes.
Quels sont ses produits essentiels selon toi?
L’huile d’olive extra vierge, les épices (poivre et sel sans excès) avec parcimonie et le vin évidemment ! Et je voudrais ajouter que, quel que soit le produit, il doit toujours être de qualité supérieure, c’est ça qui fait une bonne diète italienne.
Quel que soit le produit, il doit toujours être de qualité supérieure, c’est ça qui fait une bonne diète italienne
Quels sont tes bons conseils pour consommer le vin dans le cadre d’une diète italienne saine ?
Tout est dans la mesure. Si on boit 1 à 2 verres de vin par jour, il n’y a pas de problème, c’est même bon pour la santé. Outre la modération, je donnerai 2 autres conseils :
- toujours consommer le vin combiné à de la nourriture ;
- choisir 1 vin de bonne qualité. Il vaut mieux boire 1 verre de très bon vin qu’1 bouteille de mauvais vin !
Pour terminer, peux-tu nous livrer un plat qui s’accordent particulièrement bien avec vos vins ?
Je vais parler du cœur battant de notre production, nos vins rouges. Notre rouge « Villa Bossi » est parfait avec la Bistecca alla Fiorentina. Et pour ceux qui n’apprécient pas la viande, pourquoi pas un de nos vins blancs avec une entrée à base de légumes de saison.
Grazie mille Gerardo !
Retrouvez tous les détails sur l’histoire et les produits de la Tenuta Bossi ICI
La famille Gondi est aussi productrice d’huile d’olive, dans leur Fattoria di Volmiano et leur production 2020 a d’ailleurs été sacrée meilleure huile d’olive extra vierge bio d’Italie !
La Marquise Vittoria Gondi a écrit un très beau livre de cuisine, un recueil de recettes simples et authentiques della mamma e della nonna : La natura in tavola. Fattoria di Volmiano : ricette e segreti
Pour en savoir plus sur la résidence historique à Florence, le Palazzo Gondi, c’est par ICI
Et pour découvrir nos autres articles de la diète italienne, c’est par ICI
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Par Emilie Nahon
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