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Les habitudes de Véronique Montel dans le sud de la Sardaigne
Franco-italienne vivant à Florence depuis 30 ans, Véronique Montel a une identité bigarrée, aux couleurs variées, avec des racines sardes très fortes mais aussi une empreinte française importante. Pour notre série d’articles sur la Sardaigne, elle a accepté de se livrer sur son île, ses endroits préférés, ses rituels, les meilleurs moments pour y aller mais aussi sur son éducation française et sa vie à Florence. Rencontre.
Ciao Véronique, peux-tu te présenter et nous raconter ton parcours ?
Je suis franco-italienne, née en France, en Provence où mon père (normand d’origine) travaillait. Quand j’avais 5 ans, ma mère a voulu rentrer chez elle, en Sardaigne, à Cagliari. J’ai vécu là-bas dès ce moment, j’y ai fait mes études jusqu’à l’âge de 23 ans, moment où j’ai eu l’opportunité de venir m’installer à Florence. Ça fait maintenant 30 ans que j’habite à Florence mais que je retourne très régulièrement dans notre maison de famille en Sardaigne. Au niveau professionnel, j’ai orienté ma carrière dans les ressources humaines pour le secteur de la mode, en gravitant autour des villes de Florence, Milan et Bologne, d’abord pour Calvin Klein et Guess pendant quelques années puis pour Pucci pendant 20 ans. Je suis aujourd’hui chez Renato Corti, qui produit les sacs pour Chanel.
Quel est ton rapport avec l’Italie?
Je me sens Italienne car j’ai vécu la majorité de ma vie en Italie, mais mon frère, qui a eu la même enfance que moi, se sent 100% Français. Je ressens très fort mes racines sardes, je suis très liée à la Sardaigne mais je ne pense pas pouvoir dire que je suis Sarde car le côté français de mon éducation est très fort. J’ai grandi en Sardaigne là où les gens ne dînent pas avant 21h. Chez nous, à 20h, il fallait être à table, comme un Français. Cela nous a posé quelques problèmes relationnels: en Sardaigne, quand tu invites quelqu’un à venir te voir l’après-midi, il vient à 19h ! Je me sens vraiment mélangée.
Comment articules-tu ta vie entre Florence et la Sardaigne ?
Tous les ans, je passe 1 mois d’été à la mer, dans ma maison de famille en Sardaigne. C’est moi qui m’en occupe et la gère. Je la loue (sur airbnb) une partie de l’année à des voyageurs. J’essaie de transmettre mon amour pour cette terre aux gens, de leur donner l’occasion de découvrir que la Sardaigne, ce ne sont pas que de belles plages. Il y a des bouquins, la maison est décorée comme pour moi, ma famille. On s’y sent bien.
J’y passe également du temps au printemps, car c’est la meilleure période pour découvrir la Sardaigne, elle est verte, fleurie, parfumée, et surtout, il n’y a pas trop de monde ! Mai-juin, c’est l’idéal car tu peux déjà t’y baigner. J’y vais parfois aussi l’hiver, ce n’est pas la meilleure saison mais j’en profite pour faire du trekking car les températures sont idéales (souvent 15°, il fait rarement en-dessous de 10° en Sardaigne).
La meilleure période pour visiter la Sardaigne ? Le printemps ! Elle est verte, fleurie, parfumée, et surtout, il n’y a pas trop de monde. Les mois de mai-juin, c’est l’idéal car tu peux déjà t’y baigner.
La Sardaigne est très différente du reste de l’Italie, comment définirais-tu son charme si particulier ?
J’aime son indépendance revendiquée, l’attachement qu’ont les Sardes à leur terre et à leur histoire, à un passé archaïque. J’adore par exemple y être pour le 1er mai, car à Cagliari, c’est la sagra di Sant’Efisio, une fête en l’honneur du Saint qui a libéré la Sardaigne de la peste dans les années 1600. Il y a une énorme parade, les femmes et les enfants ont des paniers de fruits et fleurs, portent des costumes et des bijoux traditionnels des villages de toute la Sardaigne. Il y a des charrettes à bœuf et des cavaliers à cheval. La parade traverse toute la ville, c’est magnifique.
Il y a beaucoup d’autres traditions folkloriques qui ont encore une place prépondérante en Sardaigne, je pense au carnevale di Mamoiada, en Barbagia (une région centrale de la Sardaigne, celle des bergers), un événement qui honore les rites de la fertilité de la terre, te fait comprendre comment ces bergers portent sur eux toute la tradition.
Il y a aussi un genre musical typique de la Sardaigne, il canto a tenore, un chant polyphonique qui se pratique avec 4 chanteurs ténors, l’un face à l’autre et qui entonnent des mélodies ancestrales a cappella. Un des groupes les plus fameux est “Tenores di Bitti”.
Pourquoi as-tu choisi de vivre la majorité du temps à Florence ?
Par certains aspects, la Sardaigne est un peu limitante. La condition insulaire en soi a des limites. Par exemple, le rapport au travail. Les Sardes ont tendance à attendre que les choses arrivent, ils ont du mal à quitter la Sardaigne pour aller ailleurs, travailler notamment. Car la qualité de vie, le climat, tout est meilleur. Les insulaires ont très difficile à couper les liens avec l’île. Et moi, j’avais une autre vision de la vie, du travail, j’avais besoin de bouger plus, les métiers qui me plaisaient étaient ailleurs.
Qu’est-ce qui fait vraiment la différence pour toi entre la vie à Florence et la vie en Sardaigne ?
Les stimuli y sont totalement différents ! En Sardaigne, j’aime les odeurs, parler la langue, me plonger dans l’histoire de l’île, continuer à découvrir mes racines, les traditions fortes, qui ne cessent de me surprendre. Par exemple, des médecines ancestrales se pratiquent encore, comme la medicina dell’occhio, perpétuée par les anciennes, qui enlève les mauvaises énergies (il malocchio, le mauvais oeil). C’est fascinant !
À Florence, j’aime l’effervescence d’une vie en ville, le fait que tout le monde travaille, les gens sont un peu plus ouverts, on a l’occasion de rencontrer des personnes différentes qui ont un passé et un vécu différent, venant d’autres horizons. Il y a plus de diversité. Et puis évidemment, il y a la culture, la mode, le cinéma, les artisans, les musées, l’art, la Renaissance !
Quelles sont tes habitudes au quotidien lorsque tu es en Sardaigne ?
Déjà, mon look change : en été, je ne porte quasiment jamais de chaussures, je m’habille très peu, je porte tout le temps la même chose. Au niveau de mes rituels, le matin, je prends le petit-déjeuner au calme face à la mer puis je lis dans le jardin (dans un hamac ou une chaise longue). Ensuite, je vais à la plage vers 11h30-12h. Je ne rentre pas avant 17h30-18h de la plage. Après, j’achète du poisson pour préparer un bon dîner face à la mer, toujours sur ma terrasse, avec du vin. Je ne sors pas souvent, j’aime inviter des amis chez moi, on y est tellement bien. En fin de soirée, j’aime boire un verre de mirto, de myrte.
Où fais-tu ton marché ?
Je peux acheter le poisson à côté de chez moi, à Torre delle Stelle, mais j’aime beaucoup me rendre au marché au poisson di San Benedetto à Cagliari, car l’expérience est super. Les étals sont en marbre et ils accueillent des crabes vivants, des anguilles, des poissons qui sautent encore. Pêchés le matin, il y en a de toutes les couleurs… rouges, oranges, bleus… C’est une expérience de couleurs incroyable. Et puis j’aime les vendeurs qui hurlent, ils vendent des poissons qui ne coûtent rien et puis d’autres plus chers car ce sont les meilleurs. J’en profite toujours pour acheter des légumes (qui se trouvent au 1er étage du marché, avec la viande). Tout est bon, très frais.
J’aime beaucoup me rendre au marché au poisson di San Benedetto à Cagliari, car c’est une expérience de couleurs incroyables. Les étals sont en marbre et ils accueillent des crabes vivants, des anguilles, des poissons qui sautent encore. Pêchés le matin, il y en a de toutes les couleurs… rouges, oranges, bleus…
Où vas-tu pour prendre l’apéro ?
En été, j’aime me rendre dans un bar très classique, au “Caffè Genovese”, au pied du Bastion di Saint-Remy, et prendre l’aperitivo aux tables à l’extérieur.
En hiver, je choisis le “Caffè Svizzero”. C’est un café historique datant du début du 20e siècle, quand Cagliari était une ville bourgeoise. Durant cette période sont arrivés en Sardaigne les premiers entrepreneurs et leurs familles (pour construire les routes, nettoyer les marais, créer les salines, …). Ils vivaient une vie alto borghese, de haute bourgeoisie.
Caffè Genovese
Via Logudoro, 29, 09127 Cagliari
Caffè Svizzero
Largo Carlo Felice, 6, 09124 Cagliari
Et tes trattorias préférées ?
Il y en a 2, la trattoria Lillicu, dans le quartier très populaire de la Marina, où les locaux vont. L’atmosphère genuina, authentique, nous plait. Nous prenons en général uniquement l’antipasti di Lillicu, des spécialités de poisson, c’est un régal. J’aime aussi Lo Scoglio à Sant’Elia, un restaurant plus classique, également spécialisé dans le poisson !
Trattoria Lillicu
Via Sardegna, 78, 09124 Cagliari
Lo Scoglio
Località Spiaggiola S.Elia, 09126 Cagliari
Tes adresses shopping favorites ?
Ce sont essentiellement des adresses autour de la décoration d’intérieur et de l’artisanat.
Artigianato sardo I.S.O.L.A., la boutique d’artisanat sarde par excellence ! Du haut de gamme.
Via Ottone Bacaredda, 176, 09127 Cagliari
Galinanoa, une boutique avec un très beau choix d’objets artisanaux, tapisserie, céramiques, art de la table,…
Via Lodovico Baylle, n. 71, 09124 Cagliari
Fiera dell’Artigianato artistico della Sardegna, une foire qui a lieu l’été avec les meilleurs artisans de Sardaigne.
Piazza Martiri della Libertà, 09095 Mogoro
As-tu des conseils originaux de visites pour découvrir l’île ?
Les salines de Conti Vecchi, car ce sont des salines et un village pour les ouvriers qui ont été construits sur d’anciens marais. À visiter avec un guide au moment du coucher de soleil, incroyable !
Le village d’Ulassai, à 50-70km de Cagliari sur la côte est, pour ses grottes Su Marmuri , ses cascades et la visite suivante.
Le musée de Maria Lai, une femme artiste sarde dont le travail était très poétique. Elle a créé une installation dans les années 70 pour pacifier son village qui connaissait des bagarres de familles. Elle a lié avec un ruban toutes les maisons du village !
Corso Vittorio Emanuele II, 71, 08040 Ulassai
Le trenino verde, qui traverse l’île, à faire au printemps au plus tard en juin. Une merveille.
http://www.treninoverde.com/
Quels sont tes lieux de cœur en Sardaigne ?
Chez moi !
La plage di Murtas (côte est), je ne devrais pas te le dire, mais je l’adore . Il faut beaucoup marcher pour y arriver, mais c’est le paradis.
Le dune di Piscinas (à l’ouest).
Et alors, changement d’ambiance, mais j’aime aussi Ingurtosu, un ancien site minier et ses paysages industriels abandonnés;
Orgosolo, la capitale de la Barbagia, la région des bandits sardes, qui avaient un grand code d’honneur, un peu à la robin des bois ! C’est un village que je trouve beau dans sa laideur, qui est tout gris, les maisons sont en vieux ciment, recouvertes de peintures murales. Il a beaucoup de choses à raconter.
Je vous fais à nouveau changer d’ambiance pour la dernière adresse, un établissement de luxe mais très authentique : l’hôtel restaurant Su Gologone. La famille propriétaire du lieu prête attention à tous les détails, met en avant les objets de l’artisanat sarde, le lieu est magique, en pleine nature. Nous y allons pour manger de la viande (car Su Gologone se trouve dans les terres), de l’agneau, du porcelet, …
Località su Gologone, 08025 Oliena
Pour terminer, peux-tu nous partager une recette sarde que tu te plais à préparer quand tu es là-bas ?
Avec plaisir ! Il s’agit du pani fratau, un plat qui se prépare avec le pane carasau, une sauce tomate maison, beaucoup de basilic, un peu de brodo di carne (bouillon de viande), un oeuf par personne et du pecorino râpé en abondance !
Tu fais bouillir le bouillon, tu le mets ensuite dans un bol, tu trempes un morceau de pane carasau, il se ramollit en quelques secondes. Tu prends alors le pain avec un écumoir et tu le mets dans 1 assiette. Tu mets de la sauce tomate chaude dessus, du pecorino, puis tu recommences, tu fais des couches. À la dernière couche, tu termines par la sauce tomate puis tu casses 1 oeuf dans le brodo bouillant, tu le poches, tu le reprends avec l’écumoir, tu le mets sur le dessus de ton assiette, tu rajoutes un peu de pecorino et du basilic frais. Buon appetito.
Merci beaucoup Véronique !
Véronique est propriétaire de Casa l’Ibiscus, qu’elle loue de mars à novembre ICI
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Par Emilie Nahon
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