Art de vivre italien
L’Italie des grands chefs, Francisco Conforti dans le Latium
Nouvel épisode de notre série d’articles “L'Italie des grands chefs”. Direction Rome et le Latium avec Francisco Conforti, le nouveau chef exécutif des sublimes restaurants italiens Daroco à Paris.
Depuis 2016, Daroco s’impose sur la scène food parisienne avec une recette explosive : une cuisine généreuse, des produits d’exception, des pasta maison et des pizzas détonantes dans un cadre toujours très léché. Deux adresses avec un univers à part entière, Daroco Bourse tout d’abord, un restaurant installé dans l’ancienne boutique Jean-Paul Gaultier, avec un impressionnant plafond-miroir reflétant les tables en marbre vert, le sol en terrazzo, les colonnes en béton, la végétation et la cuisine ouverte. Tout au fond, comme un secret, le bar Danico donnant sur la très belle galerie Vivienne. Daroco 16 ensuite, situé à côté de la Maison de la radio dans le 16ème. Un lieu hors norme, ambiance néo-trattoria vibrante, avec sa terrasse stylée, sa façade Bleu Klein et son grand néon eighties.
Leur nouveau chef exécutif, Francisco Conforti, a fait ses armes à Rome -où il est né-, dans des restaurants de haute volée, notamment le mythique Il Pagliaccio, 2 étoiles Michelin. À Paris, avant de rejoindre Daroco, c’est auprès d’un chef que nous connaissons bien chez Ali di Firenze qu’il a officié plusieurs années, Denny Imbroisi. Rencontre avec cet amoureux de la gastronomie italienne, dont le parcours nous emmène de la cuisine de sa nonna à celle des établissements les plus prestigieux !
Daroco 16, crédit photo Alizée Cailliau
Daroco Bourse, crédit photo Alizée Cailliau
LA FAMIGLIA A TAVOLA, La famille à table !
Bonjour Francisco, quel est ton premier souvenir culinaire ?
Ma nonna (grand-mère) qui faisait les pâtes fraîches à la maison. Elle préparait souvent les tagliatelle, tortellini et maltagliati (confectionnés avec les excédents de pâte utilisé pour faire les tagliatelle ou cappelletti coupés en morceaux irréguliers), parfois aussi les gnocchi. Avec ça, un parfum inoubliable, celui de sa sauce tomate !
Qui cuisinait à la maison quand tu étais petit ?
Ma nonna surtout, car mes parents travaillaient tous les deux pour la compagnie aérienne Alitalia, comme steward et hôtesse, et à l’époque, ce n’était pas comme aujourd’hui où tu pars 24 ou 48h. Parfois, ils partaient longtemps.
Ta nonna t’a-t-elle appris à cuisiner ?
Oui, elle cuisinait tout le temps. Le matin, quand je me réveillais pour aller à l’école à 7h, je sentais déjà l’odeur du repas de midi qu’elle était en train de préparer. Je lui demandais “mais ce midi, il n’y a que toi, moi et nonno, pourquoi tu cuisines autant ?”. Elle distribuait en fait à toute la famille. Je n’oublierai jamais son abbacchio scottadito, un agneau de lait cuit au four.
Un plat que tu mangeais toujours en été ?
Ses polpette di melanzane, boulettes d’aubergines frites mais surtout cette grosse tomate de Calabre, il Belmonte, semblable à une coeur de boeuf. Ma nonna était d’origine calabraise, donc j’ai aussi été bercé à la gastronomie de cette région. Et puis la parmigiana, les beignets de fleurs de courgettes, les spaghetti aux palourdes. Une fois que tu avais fait un déjeuner comme ça, tu avais interdiction de te baigner pendant 3h !
Et un plat qui te rappelle tes hivers à Rome ?
L’hiver à Rome, c’est spécial pour moi, ce sont les souvenirs des artichauts à la juive et à la romaine évidemment, les tagliatelle au ragoût de sanglier et puis un type de pasta que faisait souvent ma nonna, quand il ne fallait pas dépenser d’argent ; pasta e fagioli, pasta e ceci, pasta e patate. Les pâtes avec les haricots, les pois-chiches ou les pommes-de-terre. C’étaient des plats uniques bien rassasiants.
Un plat que vous mangiez en famille à certaines occasions, autour d’une grande table ?
À Pâques, nous mangions la coratella, un plat typique de la cucina povera (cuisine pauvre) du centre de l’Italie. C’était un mélange du foie, des poumons et des riz de l’agneau, mijoté avec des oignons et des artichauts, déglacé au vin blanc. Chaque partie de l’agneau avait une cuisson différente, il fallait maîtriser le timing, cela mijotait longtemps. Maintenant, ces parties de l’animal sont devenues très chères mais à l’époque, cela ne coûtait rien. Il fallait nourrir 5 enfants et le reste de la famille, donc ma nonna avait appris à cuisiner toutes les parties de l’animal.
Que cuisinerais-tu à des amis pour leur faire découvrir ta gastronomie locale ?
La pasta alla carbonara, c’est sûr ! Mais aussi les artichauts à la romaine. Puis il y a le poulet à la romaine, avec des poivrons et de la sauce tomate, ou les fameux involtini (une escalope de veau avec de l’ail et du persil dont on fait des rouleaux qu’on cuit dans la sauce tomate).
Quand tu retournes dans le Latium, quelle est la première chose que tu fais ?
Quand j’étais petit, j’allais souvent au port de Fiumicino et l’aéroport est à côté alors j’y retourne et je vais chez Sancho chercher la pizza al taglio, en morceau. À Paris, il y a d’excellentes pizzas napolitaines ou romaines, mais la pizza al taglio comme chez moi, ça me manque ! Sancho en fait une unique, bianca (blanche, sans sauce tomate), avec des pommes-de-terre en lamelles marinées avec du romarin. Une fois cuite, il coupe la pizza en deux et la fourre de porchetta, une spécialité de cochon farci aux herbes. Le petit-déjeuner des champions quand j’arrive !
Si j’y suis à l’heure du déjeuner par contre, je vais à l’Orologio, toujours à Fiumicino. C’est un restaurant spécialisé dans le poisson et les crustacés, je choisis la dégustation des entrées crues et cuites. Tu trouves toutes les variétés de poissons locaux. Si j’arrive pour l’apéro par contre, je vais à côté, chez Gegè, chercher un fritto di calamari et gamberi, des calamars et crevettes frits !
Pizzeria Sancho dal 1969, Via della Torre Clementina, 142, 00054 Fiumicino
Osteria dell’Orologio, Via della Torre Clementina, 114, 00054 Fiumicino
GePaGi Fish Bistro, Via della Torre Clementina, 106, 00054 Fiumicino
Comment ta région et sa gastronomie t’inspirent dans ta cuisine ? Comment les transcris-tu dans les cartes de Daroco ?
Ce que ma région m’a toujours inspiré, ce sont ses recettes anciennes, que j’ai apprises en regardant cuisiner ma grand-mère. J’ai à coeur de garder les saveurs et les produits traditionnels mais en les modernisant. Par exemple, à la carte chez Daroco, je propose une variation du traditionnel spaghetto aglio, olio, peperoncino (spaghetti ail, huile, piment). À la base, normalement, tu coupes ton ail, ton piment et ton persil, tu les fais suer dans l’huile d’olive, tu les fais frémir. Moi, après les avoir fait frémir, je mixe l’ensemble au Thermomix, et ça crée une sauce verte très onctueuse, que je mélange à des linguine. Par dessus, j’ajoute un gambero rosso de haute qualité, une grosse crevette rose crue et marinée avec de la fleur de sel, du piment d’espelette, du zeste de citron vert et de l’huile d’olive. Et en-dessous, je réalise un crumble avec de la chapelure panko et du basilic.
Le chef Francisco Conforti, crédit photo Social Snacks
Linguine aux palourdes, crédit photo Benedetta Chiala
TOCADE DE CHEF, L’artichaut « Mammola »
Si tu étais un ingrédient ou un produit du Latium, lequel serais-tu ?
Je serai l’artichaut romano “Mammola”, une variété typique du Lazio et pour moi le meilleur artichaut de tous !
- Histoire / Ma grand-mère et ma mère en cuisinaient toujours pendant la saison, de janvier à mai. On se les procuraient dans notre quartier du Trastevere, au marché quotidien de la place de San Cosimato.
- En cuisine / Je le cuisinerai à la romaine, dans une marmite avec beaucoup d’huile d’olive, de l’ail, la tête en bas, déglacé avec du vin blanc, agrémenté avec la mentuccia, une herbe typique proche de la menthe, mais tellement plus subtile, et couvert avec le papier du pain ! Ça c’est quand j’ai envie de la version fondante. Mais si j’ai envie de croustillant, je le fais frire, à la juive, une autre spécialité romaine. Si j’ai un artichaut hyper frais de qualité top, j’aime aussi en faire un carpaccio, avec une belle vinaigrette.
- Chez Daroco / J’ai prévu de le mettre à la carte chez Daroco quand ce sera la saison, plutôt avec des pâtes fraîches. Par exemple, avec l’artichaut, j’adore faire une carbonara végétarienne. Je remplace le guanciale par des artichauts croustillants.
- Atout santé / Riche en potassium, magnésium et vitamine C, il est un allié de l’intestin, détoxifiant et diurétique.
- Secret de chef / L’artichaut se marie très bien avec la poutargue !
MY LAZIO BOWL, Le déjeuner parfait signé Francisco Conforti
Pour terminer, chez Ali di Firenze, a pranzo (pour le déjeuner), on adore se préparer un « My italian bowl », à la fois super sain et gourmand: une base avec beaucoup de légumes, une céréale, éventuellement des protéines… Quel serait, selon toi, le parfait « My Lazio bowl » ?
J’imaginerai bien une base avec des légumes d’été, tomates, poivrons, aubergines à laquelle j’ajouterai des boulettes d’agneau, façon kefta pour la modernité, marinées et agrémentées de pignons de pin, de persil et de toutes les herbes fraîches que ma région me donne, comme la mentuccia. Ces boulettes seront simplement cuites sur la plancha. Ensuite, à mon bowl, j’ajoute des oignons de Tropea (ça, c’est mon tocco calabrese, ma touche calabraise) et du pecorino romano en copeau pour le côté gourmand. Comme céréale ou légumineuse, pourquoi pas du petit épeautre, des pois-chiches ou des lentilles.
Grazie mille Francisco !
Découvrez la cuisine de Francisco et l’univers Daroco :
www.daroco.com
www.instagram.com/daroco_group/
https://www.instagram.com/danicoparis/
Daroco Bourse, restaurant
6 rue Vivienne, 75002 Paris
Tel : 01 42 21 93 71
Tous les jours de 12h à 15h et de 19h à 23h
Daroco 16, restaurant
3 place Clément Ader, 75016 Paris
tel : 01 44 14 91 91
Tous les jours de 12h à 15h et de 19h à 23h
Danico, bar à cocktails
6 rue Vivienne, 75002 Paris
Tel : 01 42 21 93 71
Tous les jours de 18h à 2h
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Crédit photo cover : Social Snacks
Une belle tablée à Daroco Bourse, crédit photo Benedetta Chiala
Linguine à la truffe, crédit photo Benedetta Chiala
Les bonnes adresses de Francisco à Rome
Ses restaurants préférés
Tout d’abord, je pense aux petits restaurants familiaux du Trastevere où j’allais avec mes parents : Trattoria da Augusto et Trattoria da Lucia. Ensuite, on passe le pont et on entre dans le quartier juif, direction l’Osteria Giggetto al portico, fameux pour ses artichauts à la juive. Armando al Pantheon et Roscioli pour la carbonara, Il San Lorenzo à côté de Campo de’ Fiori pour le poisson. Et pour les gastronomiques, Zia, qui vient d’obtenir sa première étoile près du Gianicolo et évidemment Il Pagliaccio, le 2 étoiles où j’ai fait mes armes. Pour terminer, je pense à Retro Bottega, ouvert par des anciens collègues du Pagliaccio, vraiment super !
Trattoria da Augusto / Vicolo de’ Renzi, 15, 00153 Roma
Trattoria da Lucia / Vicolo del Mattonato, 2b, 00153 Roma
Osteria Giggetto al portico / Via del Portico d`Ottavia, 21/a, 00186 Roma
Armando al Pantheon / Salita de’ Crescenzi, 31, 00186 Roma
Roscioli / Via dei Giubbonari, 21, 00186 Roma
Il San Lorenzo / Via dei Chiavari, 4/5, 00186 Roma
Zia / Via Goffredo Mameli, 45, 00153 Roma
Il Pagliaccio / Via dei Banchi Vecchi, 129/a, 00186 Roma
Retro Bottega / Via d’Ascanio, 26A, 00186 Roma
Prendre l’apéro
Giulietta vino e cucina, ouvert par un ami à moi, Alessandro Pistoia. Pour un super aperitivo dans un endroit magnifique. Il sert aussi une cuisine romaine exceptionnelle, avec une touche gastronomique.
Giulietta vino e cucina / Via Giulia, 169, 00186 Roma
Treebar, un bar à cocktail avec une ambiance romaine très sympa, sur la Via Flaminia.
Treebar / Via Flaminia, 226, 00196 Roma
Manger une glace
La gelateria Giolitti à côté du Panthéon reste mon absolue préférée.
Giolitti / Via degli Uffici del Vicario, 40, 00186 Roma
Faire le marché
Le mercato di San Cosimato, dans mon quartier du Trastevere.
Mercato di San Cosimato / Piazza di S. Cosimato, 64, 00153 Roma
6h30-14h30, tlj sauf le dimanche
Par Emilie Nahon
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