Interview
PORTRAIT, Designer et artiste Duccio Maria Gambi
Cela faisait déjà plusieurs mois que j’avais envie de le rencontrer. Nos agendas ont finalement coïncidé début septembre, le cerveau tout frais après les vacances, l’envie pour ma part de rencontrer de nouvelles têtes et d’ouvrir le blog à d’autres secteurs d’expression de la culture italienne. Avant d’être un designer, Duccio Maria Gambi est pour moi un artiste. Une formation en design produit et architecture d’intérieur à Florence et Milan puis il enchaine avec des expériences à Paris et Rotterdam fondatrices pour son style. Car Duccio a un matériel de prédilection pour les objets qu’il crée, le béton. Souvent considérée comme une matière pauvre, c’est à Paris qu’il apprend à l’apprivoiser et développe une obsession pour les contrastes qu’elle est capable de créer.
Une matière de prédilection pour ses tables sculptures, le béton
Lié à l’architecture, on associe très vite le béton à une nuance grise monotone, à un rendu brut et lourd, à un moyen plus qu’à un résultat. Dans les mains de Duccio elle est cet élément vivant, coulant (il aime l’idée d’une matière mouvante avant de se solidifier) et finalement très esthétique. J’ai été surprise face aux couleurs qui jaillissent de tous ses travaux, la modernité des compositions (merveilleuse idée que d’associer un béton à effet marbré à une texture lisse).
Duccio a un rapport très charnel avec la matière, il aime travailler avec ses mains, et avoir ce rapport direct avec la création. Contrairement au design industriel ou il arrive de dessiner des dizaines d’objets sans jamais voir le résultat final, ici le besoin de concret est fondamental (d’ailleurs béton se dit « concrete » en anglais).
Un besoin viscéral de voir l’objet et de le faire évoluer
Duccio crée des objets uniques et des séries « évolutives » dans son atelier. Aucun objet ne se ressemble. Les idées progressent, les concepts s’affirment, les erreurs de parcours amènent de nouvelles solutions. La plupart du temps, il crée des tables. Il m’expliquera qu’il est difficile d’imaginer de très grosses pièces comme une bibliothèque en béton (pas faux) et quand on voit tous les projets différents qu’il a déjà créé autour de cette pièce, on se dit que le sujet est inépuisable (À noter également, les luminaires marbrés).
Il faut se plonger dans les carnets de dessin de Duccio, point de départ de tous ses objets, pour comprendre sa profondeur créative. Il dessine de manière ultra précise des volumes, des détails, des enchaînements de bloc. C’est très beau car de dessin en dessin, on suit le fil rouge et l’évolution de sa pensée. Les pages dédiées à Complemento Liquido sont sublimes. On capte tout de suite le contraste amené par la résine, sa transparence, les volumes dans les volumes, la beauté – et la difficulté – de faire se côtoyer deux matières liquides qui se solidifient.
Ses tables basses ont une dimension sculpturale indéniable, encore plus quand on les admire dans un contexte de vie. La couverture de AD magazine mettant en scène une série de 3 tables à niches dorées où prennent place les revues du propriétaire est sublime. Duccio aime connaître l’intérieur dans lequel va vivre l’objet afin d’y faire échos subtilement. Palette de nuances, détail, style ; il s’imprègne de l’univers. Coté fonctionnalité, les objets qu’il créé ont une dimension utile presque « malgré » eux, la force de la création primant avant tout. Côté inspiration, ce fan d’architecture puise ses meilleures idées au cœur de sa ville, Florence.
C’est un animal urbain qui ne cesse d’admire les contrastes que la citée de la Renaissance lui propose. Lignes de fuite de la ville vers la campagne, symétries subtiles, jeux d’équilibre, composition… il est retourné à Florence sans se faire prier après des années parisiennes. Il m’avouera qu’il est aussi très proche de la nature (il a grandi à la campagne jusqu’à ses 14 ans) et que beaucoup de ses bonnes idées, ses « visions », lui viennent aussi au volant de sa voiture sur l’autoroute ! Il aime s’inspirer des photographies mais refuse l’impact qu’à le design à travers les magazines, trop polluant sur son propre travail.
Dans son Atelier de la piazza Beccaria, quartier faisant face au marché de Sant’Ambrogio, Duccio s’est étalé entre la cours, le laboratoire où s’entassent sac de ciment, fragments de test, table d’archi et pigments … puis son bureau au premier étage où trône une table au plateau vert. Cette dernière traduit immédiatement le propos créatif du designer, le béton peut-être léger comme l’air.
3 VILLES, 3 PROJETS
Nocturnal Guerilla, Paris
De ses années parisiennes, Duccio garde un souvenir fort des guerillas nocturnes organisés entre potes créatifs. Ils partaient le soir scie sauteuse sous le bras, récupérer des matériaux dans la rue pour construire des objets à la vocation mi artistique, mi social. Un abri, un banc, … de la recup à la sauce artisanale. La deuxième saison, ils étaient passés de 4 à 25 pour inventer ses meubles-objets éphémères !
Nero Gallery, Arezzo
Duccio travaille en étroite collaboration avec Nero Gallery, une galerie d’art contemporain et de design située à Arezzo. Ensemble ils imaginent les objets présentés aux importantes foires de design internationales comme MIART. Discussion, confrontation, Nero Gallery fait presque office d’agent qui challenge en permanence son artiste. Un échange fondamental pour Duccio.
Ambianta, Roccamare
Duccio a participé l’été 2017 à un projet artistique imaginé par Giacomo Zaganelli dans la pinède très chic de Roccamare. Des centaines de pierres colorées typiques de l’architecture des lieux prenaient place sur un rondin géant de béton s’intégrant naturellement au panorama.
Par Ali
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